En fauteuil, aveugle… Certaines personnes sont atteints d’handicap physique ou sensoriel qui ne les empêchent pas d’être parents. Il existe des structures adaptées qui les accompagnent.
Il y a 33 ans, Martine Vermillard, puéricultrice, travaille dans une PMI. Elle reçoit en consultation une mère qui est aveugle et vient juste d’avoir un bébé. Comment l’accompagner ? Quels conseils lui donner ? Martine est spécialiste de la petite enfance, mais pas du handicap. Elle veut pourtant aider cette jeune mère. Elle organise alors, avec une personne de l’association Valentin Haüy (pour aveugles et malvoyants) une réunion avec des personnes handicapées qui sont parents :
« Ils nous ont raconté leur parcours avec leur enfant, parfois terrifiant avec des suspicions de la part des professionnels, des souffrances liées à la méconnaissance de leur handicap. De peur du signalement, ils essayaient de ne pas se faire remarquer.
On s’est demandé comment on pouvait les aider et on a organisé un groupe de parole entre parents valides et handicapés pour échanger. De fil en aiguille, on s’est dit qu’on pouvait peut-être intervenir avant la naissance du bébé et avec l’aide de Michel Soulé, on a créé un service avec une prise en charge spécifique qui a vu officiellement le jour en août 2010. »
Depuis, le Service d’accompagnement à la parentalité des personnes en situation de handicap (SAPPH) s’est développé en Île-de-France et à Strasbourg (qui couvre l’ensemble de l’Alsace). Cette dernière antenne a, depuis sa création en 2014, accompagné 14 personnes, dont 12 femmes et 2 hommes. D’autre structures existent en France, comme le Centre Papillon à Bordeaux, ou le service Parentalités singulières, mené par la Croix-Rouge française de l’Yonne, ou encore LAEP Capucine à Mulhouse.
Ces services peuvent accompagner les parents, dans toutes les étapes :
- Anticipation de la parentalité,
- Temps de la grossesse,
- Accouchement,
- Retour à domicile,
- De la naissance aux 7 ans de l’enfant.
Car les professionnels de santé ne sont pas toujours formés à l’accompagnement du futur parent, comme le rappelle la puéricultrice :
« De plus en plus de personnes les accompagnent correctement. Mais pendant longtemps, il y avait 2 grandes tendances :
- L’évitement : il n’y a pas de problème, on fait comme avec tout le monde.
- Ou « la pauvre, elle ne va pas y arriver », voir : « pourquoi vous vous embêtez avec un enfant… »
Or le handicap ne constitue pas l’identité d’une femme ou d’une future mère. Il faut considérer le sujet et non le handicap. »
Dans ces structures d’accompagnement, le temps pré-naissance est très important car il va permettre aux spécialistes de la petite enfance de conseiller les parents et de trouver les outils et le matériel adapté à leur situation, comme l’explique Martine Vermillard :
« Le futur parent est mis en situation. Il va pouvoir manipuler les objets comme les seringues, les biberons, les bodys… qui vont être le support de son autonomie à venir. On a aussi bien sûr un poupon qui va nous permettre d’aborder plusieurs situations concrètes comme le bain, le change, le portage, l’alimentation sein et biberon, les médicaments.
La parole va pouvoir se libérer dans le cadre de la spécificité du domaine du handicap mais aussi souvent sur l’expérience d’un vécu traumatique et une estime de soi souvent mise à mal. »
Ainsi le SAPPH de Strasbourg a ouvert une « handipuériculthèque ». Un lieu dans lequel les parents peuvent découvrir le matériel de puériculture, et faire des mises en situation avec un ergothérapeute.
Concernant l’adaptation de l’enfant au handicap du parent, l’experte est formelle :
« L’enfant devient partenaire de la relation et il s’adapte au handicap de sa mère ou de son père. Il développe très précocement ce qu’on a appelé un bilinguisme relationnel. Il faut aussi souligner que certaines mères aveugles ont des mimiques, des sourires, un codage d’émotion. Elles peuvent avoir perdu la vue mais elles n’ont pas perdu le regard.
Et nous avons pu observer la façon dont le bébé regarde sa mère, se love dans ses bras pour voir son visage ou lance les bras vers elle pour essayer de la toucher. Mais c’est aussi comment cet enfant ponctue chaque geste par un petit son, comme s’il avait compris déjà que c’était cette manière qu’il allait pouvoir utiliser pour communiquer avec son parent. »
Source : La Maison des Maternelles – France TV